NoElle, avant : Toute…

Une parent-thèse de Nos-Elles, commise pour l’Agenda Ironique de décembre, proposé et animé par La Licorne
(voir consignes sur ce lien ou en bas de post).


Juliette recule de trois pas pour savourer son œuvre.
Grand Père lui avait répondu : “C’est décembre… C’est l’hiver, ma chérie. Et c’est bientôt Noël. Voilà pourquoi la cheminée doit être parée de son plus beau manteau. Déjà, pour avoir bien chaud quand le feu s’est éteint, au petit matin. Et puis, pour faire honneur à la venue du Père Noël, dans la nuit du Réveillon. Voilà.”

Du haut de son mètre quatre-vingt-douze, Grand Père, le papa d’amour de Juliette, a toujours réponse à tout. Même si ce qu’il dit n’est pas toujours facile à comprendre, cela reste une marque d’attention, voire d’intérêt, que réclament éminemment les multiples interrogations qui habitent la chambre à pensées pas rangées de la fillette.
D’aucuns – à l’évidence plus âgés qu’elle et se targuant, de ce seul fait, d’être plus savants ou plus sages (ou nia-nia-nias…), disent de Léon, son papa d’amour, qu’il est un fieffé péroreur, un incorrigible bavard… Au mieux, un doux rêveur. Faisant fi de leurs avis, dans sa petite Tête-Plaine, Juliette hausse les yeux et lève les épaules au plafond.
Ils sont jaloux, elle en est certaine. Toutes et tous, et puis voilà !

Dans son dos, comme pour lui donner raison, Grand Père laisse tomber un chaud murmure sur le haut de sa Très-Très-Belle-Tresse bien roulée :
“ – Elle est magnifique, cette guirlande de frouilles qui court tout du long, Ma Joliette. Où les as-tu trouvées ?”
Juliette cabre sa nuque pour s’expliquer au menton néju qui la surplombe :
“ – Je les ai ramassées dans la cour de la Buissonnière, tiens. Juste aux pieds pas plats des Marrons-Niais. Ils n’ont rien comprendu quand je leur ai dit que c’était pour une guipure de Noël, mais ils n’ont pas gronchonné non plus. Alors j’en ai pris tout-beaucoup-plein-les-mains. Une aiguille. Un bout de ficelle. Et voilà.”
Comme il pose un paluchon sur son népolette, Juliette se retourne vers Grand Père (qui n’est certes pas son “vrai-père”, mais son père “pour de vrai”, pardi !). Lui, s’accroupit pour planter les fleurs bleues de son regard bienveillant dans ses yeux verre d’eau douce bien à elle, avant de surenchérir :
“ – C’est absolumineusement pare-fête, ma Joliette.”
Un bon moment durant, les bras s’embrassant, ils forment en silence un Chaud-Deux-Ronds.

Le moment passé à la cuisine pour surveiller les gâteaux Trobons qui fourent, Juliette demande à Grand Père :
“ – Tu crois qu’ils seront assez vespérals pour la nuit de NoElle, dis, Grand Père ?”
Son papa d’amour prend alors une profonde respiration, plaque un paluchon sous son menton néju et attend encore deux zgondes avant de répliquer :
“ – Je ne crois pas, ma Joliette. Je pense que c’est sûrement très bien certain.”

Vingt-trois rompiches plus loin, les gâteaux Trobons ont laissé assez de miettes partout dans le salon. Et c’est pas-grave-du-tout, puisqu’ils sont faits pour ça.
Les vastes Portododo de Grand Père déposent leur Joliette Chérie sur son petit Lit-Doué.
Forcé ! C’est la nuit du Réveillon.
On va dormir un peu et puis, au cœur du dodo, Grand Père viendra la chercher pour aller piocher dans les paquets aux papiers tout bien déchirés comme il faut.

Maintenant, les Trobocados se sont tus. Ils ne bougent plus.
Une question brûlante flotte en ronronnant dans la cheminée.
Il ne faut pas la poser, sinon elle s’éteint. Juliette et Grand Père le savent bien, mais quand même… Ils y pensent. Pour ne pas L’oublier : Toute…
Pas Elle. Jamais.
Là, Ses bibelots (qu’on ne voit plus, sur le manteau de la cheminée, tant ils sont las depuis le long temps qu’Elle est partie – même pas cassés !) sont Sa mémoire. NoElle est là. Toute…
Et ça suffit comme ça. Vois-la !

Infinite hug; Xaviera Lopez; illustration d'un poLème de tiniak; magie de Noël.
poLétiquerment vôtre, tiniak

L’Agenda Ironique, atelier mensuel d’écriture ludique, est hébergé et animé par La Licorne, méritoire agendiste (s’il en fuse !).
En ce mois de décembre, un marronnier s’impose, agrémenté toutefois de consignes pas si évidentes, à tout prendre !

Il s’agit donc de composer un texte (de quelque nature qu’il vous plaira) sur le thème de « l’attente du jour magique », autour d’un titre de Litté-J, d’une photo et d’une citation, en y insérant la liste de mots qui suit.

Pour le titre de livre : « Décembre ou les 24 jours de Juliette » de Hélène Desputeaux.

Pour la citation (empruntée à Georges Perros) : « La mémoire est comme le dessus d’une cheminée. Pleine de bibelots qu’il sied de ne pas casser, mais qu’on ne voit plus. »

La liste de mots imposés : Juliette, mètre, vespéral, surenchérir, péroreur, guipure et buissonnière.

Et cette photo… dont vous pouvez vous inspirer.

Juliette NoElle et Grand Père au menton néju; une illustration puisée chez "La Licorne", pour un poLème de tiniak; commis pour "l'Agenda Ironique" de décembre 2023.
poLétiquement vôtre, tiniak.

« Rêves, ayons-nous ! »
…poLétiquement vôtre, tiniak.


Merci aux membres de l’Agenda Ironique pour avoir élevé ce texte au premier rang de son palmarès mensuel, en clôture de l’an 2023.

16 commentaires

  1. Chouette, vous organisez votre anniversaire! Doublement je crois: votre première participation à l’a.i n’était-elle pas en janvier 2022 avec une illustration de Laurence Delis (une histoire où céphéide et sicaire s’en donnaient à cœur joie)?!?
    🙂

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  2. Bonjour Tiniak !

    Je viens te souhaiter une excellente année 2024.
    Il semblerait qu’elle commence bien pour toi,
    puisque, je te l’annonce (ou te le confirme),
    tu es l’heureux élu de l’agenda ironique de décembre !

    Félicitations et à bientôt !

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    • Ravi que mon ravissement ait trouvé quelque écho auprès de l’enfance qui t’habite encore, très certainement, Photonanie.
      Ce texte rend hommage au langage de certain Claude Ponti, auteur-illustrateur dont les albums, destinés autant à la jeunesse qu’aux adultes qui l’entoure, sont fourrés de savoureux néologismes.
      « frouilles » n.f.pl (inv.), folioles en robes rouille, pas très adroites pour l’accro-branches, que l’on trouve de ce fait assez souvent tombées aux pieds d’un arbre ou deux; le plus souvent en automne, quand ça glissouille.🥸🍂

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  3. Oh, là là…c’est doux comme une peluche et délicat comme un flocon de papier.
    J’ai presque versé une larme à la fin…
    Je suis bien contente que mon « marronnier » 😉
    n’ait pas inspiré que du « piquant »…:-)

    Merci pour cette belle participation.

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